Série d’entretiens autour de la reprise du Cosmicomiche de Michèle Reverdy à Nice

Toulon, Théâtre Liberté, 20 mars 2019. Rires du public. Sur scène, sept instrumentistes et trois chanteurs habillés en cosmonautes aux couleurs d’Arlequin interprètent en première mondiale Le Cosmicomiche de Michèle Reverdy.

Le titre Cosmicomiche, le personnage de QFWFQ et ce texte proviennent d’un recueil de nouvelles d’Italo Calvino paru en 1965. Michèle Reverdy en a elle-même adapté deux pour écrire le livret de son sixième opéra : Un signe dans l’espace et Tout en un point. La production est une coréalisation du festival Présences féminines, de l’Opéra de Toulon et du Liberté – Scène nationale de Toulon. Le 21 novembre 2020 à 16h, c’était au tour des Niçois d’assister au Cosmicomiche à l’Opéra de Nice, en partenariat avec le festival Manca. La pandémie en a voulu autrement *.

Rares sont les reprises d’opéras contemporains dans le monde lyrique. Plus rares encore sont les représentations d’oeuvres lyriques composés par des femmes. Pour vous faire découvrir Le Cosmicomiche, le Mag donne la parole à quatre personnalités engagées dans sa réalisation. Une série d’interviews menées par Camille Villanove.

Épisode 2 : Léo Warynski, le chef d'orchestre

Photo: ©Manuel Braun

Elu “personnalité musicale de l’année 2020” par le Syndicat Professionnel de la Critique, le chef Léo Warynski consacre une grande part de son activité à la musique d’aujourd’hui, à  travers le Chœur Les Métaboles et l’ensemble Multilatérale. En 2019, c’est à lui que la compositrice Michèle Reverdy confie la création du Cosmicomiche.

Quelle a été votre première impression à la lecture du livret ?

Le second récit, Tout en un point, m’a davantage attiré que le premier, assez étrange (Un signe dans l’espace). Ce que j’ai aimé, c’est l’humour. La plume de Calvino est subtile, pleine de sous-texte et de vitalité. La musique contemporaine manque d’humour. On l’associe au sérieux, à l’intellect. J’ai trouvé intéressant de renouer avec un genre plus léger.

A quelle tradition lyrique se réfèrent Michèle Reverdy et la metteuse en scène Victoria Duhamel ?

A l’opérette, dans un sens très noble. Une opérette de chambre qui n’emploie que trois chanteurs et un petit effectif instrumental (alto, violoncelle, flûte traversière, clarinette, cor, harpe et percussions). A la lecture du livret de Michèle, on peut imaginer ce spectacle avec peu de décors et de moyens, à la façon de la Commedia del Arte ou du théâtre de tréteaux. La mise en scène de Victoria Duhamel se situe dans cet esprit. Il y a une efficacité du théâtre portée par le corps des chanteurs, par leurs arlequinades.

Il y a une efficacité du théâtre portée par le corps de chanteurs.

Qu’est-ce qui véhicule l’humour dans cet opéra ?

C’est avant tout le livret. La musique est drôle parce qu’elle met en relief le rythme du texte, tout en légèreté. On rit des jeux de complicité, d’imitation entre les personnages. De plus, la concision de la partition fonctionne bien par rapport à l’impression que la compositrice veut susciter – la représentation ne dépasse pas une heure. La brièveté est une vertu pour l’humour.

Vous avez dirigé la première mondiale du Cosmicomiche en 2019 et deviez en diriger la reprise à Nice, ce 20 novembre 2020. Cet opéra laissera-t-il une trace, comme le héros d’Un signe dans l’espace ?

C’était une bonne nouvelle que la production soit rejouée un an et demi après sa création. Pour cette seconde représentation, j’espérais qu’il y aurait des programmateurs dans la salle. C’est une œuvre qui vaut la peine d’être reprise. Elle a une force, le public en a été surpris. La réussite totale serait qu’un.e autre metteur ou metteuse en scène et qu’un.e autre chef.fe s’en emparent pour créer leur propre version.

C’est une œuvre qui vaut la peine d’être reprise.

Que vous a fait découvrir cette expérience sur la musique de Michèle Reverdy ?

Le Cosmicomiche comprend deux opéras de poche réunis par un interlude instrumental. La première partie a été composée il y a plusieurs années, contrairement au reste de la partition. On perçoit une évolution flagrante : le second numéro est plus simple de facture, plus réussi dramatiquement, la musique est immédiatement attachante. L’œuvre montre le parcours compositionnel de Michèle.

La musique  de Michèle est immédiatement attachante.

Quels ont été vos premiers contacts avec des compositrices ?

Vers sept ans, j’ai écouté ma mère chanter une pièce de Fanny Mendelssohn. Puis comme violoncelliste et chanteur, dans le répertoire des XVIIIe et XIXe siècles, je n’ai pas de souvenir précis. Parmi les compositrices vivantes, je me rappelle avoir chanté une œuvre de Caroline Marçot à dix-huit ans avec la Maîtrise de Colmar.

En 2010, vous fondez le Choeur Les Métaboles avec lequel vous dirigez régulièrement des œuvres de compositrices. Lesquelles recommandez-vous à des ensembles vocaux ?

Je pense à Diana Soh. Elle a des choses intéressantes à dire sur la voix. J’aime aussi l’univers d’Olga Neuwirth, d’Edith Canat de Chizy, de Claire-Mélanie Sinnhuber. Dans le cadre de la résidence des Métaboles à Royaumont, nous venons de créer une pièce de la très jeune compositrice lituanienne Yuta Pranulyte. Je la trouve très réussie.

Terminons avec l’opéra : parmi ceux composés par une femme, lequel rêvez-vous de diriger ?

Alice in Wonderland de Unsuk Chin.

 

Propos recueillis par Camille Villanove en octobre 2020.

Prochainement sur Le Mag

Épisode 3 : Victoria Duhamel, metteuse en scène et Emily Cauwet-Lafont, costumière

[…] Nous souhaitions une fusion entre l’arlequin et le cosmonaute parce que ce sont des archétypes qui parlent à tous.

Auteur
Camille Villanove