France
      Ida Presti (Yvette Ida Montagnon) est une interprète, compositrice et pédagogue française, née à Suresnes, près de Paris, d'une mère italienne et d'un père français. Elle est considérée comme l'une des guitaristes classiques les plus importantes du XXe siècle, dont la sensibilité artistique et la virtuosité hors du commun ont fait sa légende. Elle fait ses débuts de concertiste à l'âge de 9 ans en mai 1933. Elle sera par la suite invitée à jouer avec la Société des Concerts du Conservatoire et les Concerts Pasdeloup, à l'âge de 12 ans. Ses performances remarquables lui ont rapidement ouvert la voie d’une carrière solo prolifique, faite de nombreux concerts et d’enregistrements, interprétant notamment les œuvres de compositeurs tels que Bach, Scarlatti, Sor ou encore Tárrega. Si l’on parle volontiers de son talent et de ses dispositions hors du commun qui ont indéniablement fait d’elle une figure de légende dans l’histoire de la guitare classique, il y a aussi l’envers du décor. Comme beaucoup d’enfants prodiges, son enfance fut marquée par une discipline de fer imposée par son père dès son plus jeune âge. « Je n'ai pas eu d'enfance », dira parfois Ida Presti. Son père s’était en effet fixé l’objectif de faire de sa fille une virtuose de la guitare après avoir assisté à un concert d’Andrés Segovia en 1924. Il s’est ainsi employé à régler tous les aspects de la vie de sa fille pour en faire une guitariste hors du commun, planifiant ses journées, fixant son régime alimentaire, ses tenues vestimentaires, ses coiffures, etc. Il est ainsi devenu son professeur d'école et de musique alors qu’elle n’avait que quatre ans, considérant qu’une éducation ordinaire aurait pris trop de place dans son emploi du temps au détriment d’un temps optimisé pour la pratique musicale.

      C’est son père, également impresario au début de sa carrière, qui lui donne son nom de scène, sans doute en hommage à son épouse Grazia Lo Presti, Dès ses débuts, ses capacités prodigieuses subjuguent le public, comme en témoignent de nombreux articles de journaux de l’époque parlant notamment d’un « sens rythmique extraordinaire et [d’]une adresse incomparable dans la manipulation de cet instrument ». Elle eut l’occasion dans les années qui suivirent de rencontrer quelques-unes des personnalités importantes du monde de la musique, notamment les compositeurs Joaquín Rodrigo, Joaquín Turina et Joaquín Nin ainsi que les guitaristes Emilio Pujol et Andrés Segovia. En 1935, ce dernier après l’avoir vu jouer, aurait répondu à son père lui demandant de compléter son enseignement : « Mais que pourrais-je bien lui enseigner ?... Elle ne devrait jamais accepter de conseils de guitaristes ». Sa réputation d'enfant prodige était telle qu'elle reçut d’importantes commandes. Elle apparaitra notamment à l’âge de treize ans dans le film Le Petit Chose (en 1937) de Maurice Cloche, jouant une pièce de Tárrega. La mort de son père en 1938 et plus tard la Seconde Guerre mondiale viendront perturber sa carrière naissante et même la suspendre pendant un temps. En 1952, elle épouse le guitariste Alexandre Lagoya, avec qui elle forme le duo qui les rendra mondialement célèbres. Ensemble, ils ont arrangé et interprété de nombreuses pièces du répertoire classique, mais aussi des pièces écrites par Villa-Lobos, Pierre Petit et Rodrigo. Elle fut également dédicataire de plusieurs pièces de compositeurs de renom : la « Sérénade » de Jolivet, la « Sarabande » de Poulenc ou encore « l'Élégie » de Daniel-Lesur.

      Ida Presti a également écrit plusieurs pièces notables pour la guitare, parmi lesquelles « Danse rythmique », « Danse d'Avila », « Sérénade », « Segovia », souvent marquées par un lyrisme et une haute exigence technique, parfois avec une visée pédagogique à l’instar de ses Six études (1958) écrites sur commande de l’éditeur Max Eschig. Très humble, elle disait ne pas se considérer comme une compositrice à proprement parler, « mais simplement comme une guitariste qui écrit pour son instrument ». Ida Presti n'a pas suivi de formation formelle dans le domaine de la composition, mais sa connaissance approfondie des répertoires et du langage musical, son sens de la musicalité et ses facilités dans le domaine de l’improvisation l'ont amenée à écrire pour son instrument tantôt pour guitare seule, tantôt pour des duos de guitares. Elle a ainsi composé neuf pièces pour guitare solo et quatorze pièces pour duo entre 1955 et 1966. Le style d'Ida Presti s’illustre par un croisement d’influences diverses notamment la musique espagnole (dont elle a largement travaillé le répertoire en tant qu’interprète), la musique de Béla Bartók et ses rythmes caractéristiques, mais aussi les œuvres de Jean-Sébastien Bach et de Domenico Scarlatti. Son approche se veut éclectique, riche en contrastes et en mélodies chantantes. Ses pratiques d’interprète se reportent inévitablement dans ses compositions, notamment son goût pour l’usage de différentes couleurs sonores, d’effets « Campanella » ou de passages virtuoses (traits d’arpèges rapides, grandes étendues de la main gauche, etc.), qu’on retrouve dans certaines de ses pièces. Au niveau de l’écriture, son style s’inscrit dans le cadre d’un langage tonal élargi et enrichi d’harmonies agrémentées. Son harmonie peut tantôt s’appuyer sur les enchaînements les plus classiques du langage tonal, tantôt témoigner d’une certaine liberté vis-à-vis de ses fonctionnalités les plus orthodoxes. On note, entre autres, son usage fréquent d’échelles modales, notamment du mode andalou et du mode de mi (le mode dit « phrygien ») (« Isabelle », « La Hongroise », « Danse gitane », « Espagne », section centrale de « Ségovia ») souvent dans un esprit d’évocation pittoresque. Mais il lui arrive tout autant d’utiliser les échelles tonales classiques notamment dans des pièces inspirées par Bach, comme la première des Six études utilisant le mode mineur harmonique. C’est également dans esprit d’évocation hispanisante qu’elle a recours à certaines techniques issues de la guitare flamenca comme le rasgueado ou le golpe.

      Ida Presti s’éteint à l'âge de 42 ans, le 24 avril 1967 à Rochester, des suites d'une hémorragie liée à une tumeur au poumon, au cours d’un déplacement lors d’une tournée aux États-Unis. En tant qu'interprète, créatrice et technicienne, elle laisse un héritage important tant du point de vue de l’interprétation, de la création, que de la technique. Son œuvre a notamment contribué à l'élargissement du répertoire pour deux guitares, à la fois à travers les arrangements réalisés pour le duo qu'elle formait avec Alexandre Lagoya, mais aussi à travers ses propres compositions. Ses contributions techniques, comme son usage singulier des techniques de la main droite, ont également eu un impact significatif sur l'approche de l'instrument.

– Frédérick Duhautpas –
Œuvres référencées sur Demandez à Clara
[Instrumental (solo)]
Danse rythmique - guitare - 1959
Étude joyeuse - guitare - 1966
Improvisation - guitare - 1958
Isabelle - guitare - 1966
Segovia - guitare - 1962
Six Études - guitare - 1958
[Musique de chambre (max. 9 instruments)]
Bagatelle - 1964
Danse d’Avila - duo guitares - 1959
Espagne - 1966
Prélude n°1 - duo guitares - 1958
Sérénade - 1955
Contributeur : Présence Compositrices - dernière mise à jour 19 June 2023